patience...le texte est en blanc sur fond bleu.

Albi Bop, artiste maudit de son siècle...
et des autres aussi, d'ailleurs.


Né dans le charmant village de Montmorency, au pied d'une colline boisée qui inspira bon nombre d'artistes post-impressionnistes du milieu du XIX ème siècle, Albi Bop, d'origine flamande comme en témoigne son vrai nom Michel Hansvellembushewemslingwer, baigna très tôt dans une atmosphère toute empreinte d'esthétisme et d'engouement pour les arts.
Au sein de sa famille proche, on trouve en effet plusieurs ascendants qui s'illustrèrent avec brio dans les arts plastiques. Son grand-père, peintre en bâtiment, aimait à pasteliser moult villages de la vallée de Chevreuse. Son oncle, lui, peignait à la tâche tandis qu'un cousin germain du côté de sa mère peignait la girafe avec talent. Son père lui-même, avait pour sa part coutume de dire : "Un petit dessin vaut mieux qu'un grand discours." Une phrase qui berça l'enfance paisible du petit Albi Bop.
Sur les conseils avisés de sa mère, il s'essaye très jeune à dessiner de charmants motifs avec sa purée et sa cuillère sur la toile improvisée de son assiette. Il fit même l'étonnement de ses proches, lorsqu'âgé d'à peine quatre ans, il entreprit, un après-midi, une grande fresque murale sur le nouveau papier peint du salon. Son trait sûr, long et vigoureux, ses à-plats de couleur vives et contrastées, son toucher féroce apparaissant déjà dans sa prime-jeunesse.
Pourtant, une longue période glaciaire s'étendit sur son destin pictural. Et ce n'est qu'après un long parcours artistique sinueux, qui le mena du cinéma Super 8 à l'orgue Bontempi en passant par le Jokari sur glace, signe de sa quête fièvreuse d'un médium adapté à ses visions intérieures et à la pression de son génie, qu'il décida d'opter avec résolution pour la gouache à l'eau.
" Longtemps, je m'interrogais avec angoisse
pour savoir lequel était le plus difficile.
Entre la peinture à l'huile et la peinture à l'eau.
Lequel était le plus beau."

Albi Bop interview parue dans "Le Monde des Arts"
n° 125 Juillet-Août 1994

A partir de ce mois de Décembre 1989, où il peignit sa première vraie oeuvre majeure intitulée "Barques dans le port de Vernazza" puissamment et amoureusement inspirée par le séjour qu'il y passa avec une jeune italienne blennorragique, il exécuta pas moins de cinq tableaux jonglant habilement avec le format réduit, minimisant le détail au profit des volumes majeurs, le tout empreint d'un lyrisme gestuel fécond et sidérant pour l'amateur éclairé que nous sommes.
1992 est sans conteste le grand virage de son oeuvre avec l'émergence du concept qui signera en lettre de feu la marque indélébile de son paraphe de plasticien hors pair :
l'hyper-réalisme populaire architecturo-naturaliste.

Avec cette fois l'adoption du grand format qui le contraint à ne plus quitter son atelier et à travailler d'après photos, cartes postales et images trouvées dans les boîtes de Vache Qui Rit. Ainsi le définit, avec son intelligence aigüe, le célèbre critique d'art, Monsieur le Comte Ferdinand Paul Hal De Marte.
Marchant dans les pas de cet expert mondialement reconnu et estimé, j'ajouterais, modestement, car j'y connais pas grand chose, qu'Albi Bop a véritablement coupé les ponts avec la peinture de son époque, résolument abstraite, expérimentatoire et ... égarée dans les méandres lacustres et méthanogènes du conceptuel. Cela, pour renouer avec une sensibilité dégagée de tout formalisme académique et pantouflard.
Son oeuvre trouve sa source d'inspiration aux tréfonds même de l'être humain. L'humanisme et l'âme humaine sourdent avec obstination sans jamais qu'aucun visage peint ne viennent en redondanciser le propos. Ce qui en fait l'un des aspects de sa peinture les plus interpellants, quelque part, au niveau du vécu.
Jugez-en vous même avec sa fameuse série des "troquets de province" où ses démons intérieurs : l'alcool et les conversations de comptoir, toujours pudiquement dissimulés derrière la devanture, trouvent là une sublime expression jusque-là inégalée. Même Van Gogh avec son "Café jaune", se trouve surpassé.
L'eau, toute sa vie durant, exercera aussi une attraction quasi-passionnelle sur lui et le poussera à réaliser quelques opus qui laisse béats d'admiration ceux qui y posent leur regard. Sans doute, peut-on y voir comme l'aspiration à lutter contre ses penchants éthyliques. Il n'est pas gênant d'insister sur cet aspect obscur du personnage car ceux-ci ne furent un secret que pour son fidèle docteur avec lequel il entretenait pourtant des rapports complexes et hypocondriaques. En vain, les rivières semblent s'éloigner sans cesse, laissant comme une brume de nostalgie planant sur le papier Canson 224g/M2.

"Il suffit que je regarde de l'eau pour me sentir subitement moite."
interview parue dans "l'Auto-Journal". novembre 92.

Alors, est-on en droit de s'interrogeassionner, pourquoi après un succès fort bref, entre Mai 1994 et Juin 1995, où il exposa frénétiquement tout autour de Paris, assailli par la subite demande du public, le silence retomba-t-il autour de ses godets d'eau en pot de yaourt et de ses pinceaux minutieusement lavés à l'eau chaude et au savon de Marseille?
Le mystère reste entier. Une explication officielle pourtant à la faveur des spécialistes de l'oeuvre albibopienne :
L'acerbe chroniqueur d'art, Bob Art, écrivit, en Mai 1995, suite à une exposition caritative pour le repas du Club des Anciens de Trilbardou, dans les pages artistiques du journal Libération:

"Albi Bop, qu'on pourrait apparenter à l'Ecole des peintres
du pied et de la bouche, devrait aussi essayer de peindre avec
son cul. Il aurait autant de succès, si ce n'est plus."

Mortellement crucifié par cet injuste pamphlet, Albi Bop aurait décidé de ne plus exposer, s'exposer, si vous me permetasses cette lecture lacanienne, et de se consacrer à l'élevage des poissons rouges.
Qu'il ne peignit jamais d'ailleurs. Et pour cause, ils n'arrêtaient pas de gigoter dans l'aquarium.

Jérôme Mosch
Conservateur en chef au Musée
des arts agricoles du Berry.
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ou bien



SURTOUT PAS !!!